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Historique

Les marais et les étangs de Damphreux, des oasis de la biodiversité préservées

 

Le sous-sol des petites vallées des environs de Damphreux est formé d'argiles imperméables. Il y a plusieurs milliers d'années, les fonds des petites vallées sont occupés par des zones marécageuses pâturées et maintenues partiellement ouvertes, notamment par des Aurochs, des Bisons d'Europe et des petits chevaux ressemblant aux Tarpans d'aujourd'hui. Après le défrichement des forêts lié au développement des populations humaines d'éleveurs et de cultivateurs, des bas-marais exploités extensivement par la fauche et la pâture sont apparus, avec des drainages pour améliorer les « rendements ». Ce type de paysage prévalait au milieu du 20e siècle. À la fin des années soixante, un industriel de Damphreux a acheté les terrains humides du secteur des Coeudres et a fait creuser 6 étangs pour la piscicultures des carpes. Ces nouveaux plans d'eau se sont révélés très précieux pour le développement de la flore et de la faune aquatiques. Ils ont été classé à l'inventaire fédéral des bas-marais d'importance nationale, objet no 492. Ils sont également d'importance nationale à l'inventaire des sites de reproduction pour les Amphibiens (objet no JU8700). Situés sur un couloir de migrations, les plans d'eaux sont devenus un site d'escale important pour les oiseaux migrateurs.

En 1987, le peuple suisse a accepté l'initiative dite de « Rothenthurm » permettant une meilleure protection des marais. Au début des années nonante, un projet d'amélioration foncière a été lancé. Faisant abstraction des nouvelles lois de protection des marais, d'importants projets de drainages ont été imaginés en 1991, dans un avant-projet du Syndicat d'amélioration foncières de Damphreux (SAF). Ce fait est à l'origine de la création de la Fondation des marais de Damphreux (FMD), le 26 mars1993, par des membres de la Société des sciences naturelles du Pays de Porrentruy (SSNPP), de Nos Oiseaux, de la Station de Sempach (SOS), de la Société ornithologique de Zürich (OGZ), de Pro Natura, du Fonds suisse pour le paysage (SL/FP), du canton du Jura et de la commune de Damphreux. De suite et essentiellement jusqu'à fin 1994, la FMD a acheté des terrains agricoles pour pouvoir par la suite les échanger contre les zones humides et les sauver. En 1998, la nouvelle répartition des terres a permis à la FMD de devenir propriétaire des principaux terrains marécageux de Damphreux (environ 28 ha) et de mieux les protéger. Pour maintenir les milieux ouverts, les prairies extensives et les prés à litières sont entretenus par la fauche et la pâture. Ils sont exploités par des agriculteurs locaux. À l'exception des bouses de vache et du crottin de cheval, ces terrains ne reçoivent directement ni engrais, ni produits phytosanitaires. Cependant, suite à l'érosion des terres ouvertes voisines et des écoulements d'eaux, des sédiments, des engrais et des pesticides arrivent quand même dans les marais et étangs. Ce problème a été très marqué de 1999 à 2010, suite à la transformation d'anciens pâturages en terres cultivées avec des céréales et du maïs, avant la mise en place des premières zones-tampon légales. Par de longues et difficiles interventions auprès des instances judiciaires, la FMD a obtenu l'application des lois, notamment pour sauver le bas-marais d'importance nationale de Pratchie (objet no 3901). Le 27.11.2007, le Tribunal cantonal a accepté le recours de la FMD et a ordonné la mise en conformité avec la loi du plan d'aménagement local (PAL), avec la mise en place de zones-tampons « suffisantes d'un point de vue écologique ». Suite à un longue procédure d'une vingtaine d'années, en 2018, un chemin a été déplacé vers le nord pour le sortir du bas-marais de Pratchie. Il a été aménagé avec des techniques innovantes pour le rendre « marais-compatible », donc perméable et permettre la circulation normale de l'eau du bassin versant, du nord vers le sud marécageux. Les dernières zones-tampon prévues par la décision du Tribunal cantonal du 27.11.07 ont été instaurées en 2018, à la fin de la construction du chemin.

La FMD s'est aussi préoccupée de la dégradation des étangs des Coeudres, en partie asséchés, envahis par les buissons et bien atterris. Les digues étaient minées par les Rats musqués. Dès 2007, suite à l'acquisition de ces plans d'eau très envasés, elle a pu restaurer tout le complexe des 6 étangs des Coeudres. Des haies ont été plantées à l'écart des étangs. Elles abritent des notamment des Pies-grièches écorcheurs et des Bruant jaunes. En 2011, depuis la fin de ces travaux, les plans d'eau sont devenus un « petit paradis » pour la flore et la faune aquatique. En 2012, pour maintenir le milieu ouvert, les étangs ont été clôturés et des herbivores rustiques (Highland, Pottok...), rappelant un peu Aurochs et petits chevaux d'autrefois, ont été mis en automne sur les rives. Pour maintenir une certaine tranquillité du site, l'accès des bords d'étangs a été limité. Les visiteurs ont été « canalisés » sur des sentiers balisés et, en 2013, deux cabanes pour l'observations des oiseaux ont été aménagées. Elles sont bien fréquentées par les ornithologues et de multiples observations sont listées sur ornitho.ch.

Aujourd'hui, la FMD possède alors environ 36 ha à Damphreux. Ainsi, en 2019, les marais et les étangs de Damphreux sont devenus de petites oasis de biodiversité logées dans des campagnes agricoles bien appauvries.

 

P. B.