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Inauguration de la tour d’observation

Manifestation officielle
du 30e anniversaire de la FMD,
inauguration de la tour d’observation,
Damphreux, 1er juillet 2023

 

Allocution du président de la Fondation des marais de Damphreux (FMD) qui retrace les principaux événements de 1993 à 2023. 

La FMD tient à renforcer les liens entre l’être humain et la nature. Pour cela il est important pour chacun d’entre nous de rester connecté avec la biodiversité qui nous entoure. Des sites exceptionnels pour l’observation des oiseaux, comme les Coeudres à Damphreux, ne doivent pas être sanctuarisés. Ainsi, ce trentième anniversaire est aussi une occasion unique pour inaugurer une nouvelle tour d’observation ouverte au public, mise en place par la FMD ici aux Coeudres, à Damphreux. En juin 2023, cette construction vient d’être achevée. Elle permettra, j’en suis sûr, à de nombreux visiteurs, d’observer sans déranger et de se familiariser avec la riche faune qui fréquente ce magnifique site heureusement préservé.

Je profite de cette rencontre pour remercier chaleureusement les principaux sponsors qui ont soutenu financièrement les projets FMD. Nous les avons invités à cette journée. Beaucoup n’ont malheureusement pas pu venir. Toutefois, certains sont présents et je les remercie de s’être déplacés. Je suis également reconnaissant envers les membres du Conseil de Fondation qui s’investissent bénévolement (pour certains depuis 30 ans) pour préserver marais et étangs de notre belle région d’Ajoie.

En 1991, lors de l’assemblée constitutive du Syndicat d’améliorations foncière (SAF) de Damphreux, les propriétaires de terrains agricoles présents refusent en majorité de lancer un remaniement sur la commune. Toutefois, la loi sur les améliorations agricoles structurelles (AF) possèdent règle particulière. Les propriétaires non présents sont comptés comme des oui. Ainsi, grâce aux décompte des absents, le remaniement de Damphreux est accepté.

En 1992, en tant que président de la Société des sciences naturelles du Pays de Porrentruy (SSNPP), avec mon collègue Michel Juillard, j’apprends que dans le cadre de ces améliorations foncières de Damphreux, un projet de drainage des marais est en consultation. Pour les naturalistes ajoulots, visiteurs réguliers de ces sites, drainer les abords des étangs des Coeudres et le bas-marais de Pratchie est une atteinte inacceptable à une nature encore en partie préservée. Le comité de la Société des Sciences naturelles du Pays de Porrentruy (SSNPP) réagit et s’engage pour protéger les marais. Très vite, dans le cadre de ces améliorations foncières qui viennent d’être lancées, naît l’idée d’acheter à Damphreux des terrains humides ou non et de revendiquer ensuite les surfaces marécageuses lors de la nouvelle répartition des terres.

En 1993, plusieurs propriétaires souhaitent vendre des parcelles. Toutefois, une société comme la SSNPP ne peut pas se lancer dans l’achat de nombreux terrains. Il faut une structure plus appropriée. C’est le cas avec le cadre juridique d’une fondation. Ainsi, le 26 mars 1993, à Porrentruy, la Fondation des marais de Damphreux (FMD) est créée. La commune de Damphreux, le canton du Jura, la SSNPP, Nos Oiseaux, la Société ornithologique de Zürich, la Station ornithologique Suisse de Sempach, Pro Natura Jura, la Fondation suisse pour la protection et l’aménagement du paysage et un privé sont parties prenantes. Afin d’obtenir des soutiens financiers, des dossiers sont rapidement préparés. Ils mettent en valeur les richesses biologiques des marais et étangs de Damphreux. À l’époque, ls six étangs des Coeudres sont déjà bien reconnus en Suisse pour leur diversité en Amphibiens et en Oiseaux.

De nombreux propriétaires, qui ne souhaitent pas payer les taxes AF, s’approchent de la FMD pour vendre leurs parcelles. Les dons affluent et la FMD achète des terres agricoles en reconduisant les contrats avec les agriculteurs qui les exploitent. La FMD devient un important propriétaire non exploitant à Damphreux, ce qui engendre certaines tensions. La Commission d’estimation du SAF utilise ses larges compétences pour attribuer plus de points aux surfaces marécageuses que d’habitude (50 au lieu de 30 points pour des surfaces similaires en Ajoie). Avec ce système, en 1998, à la nouvelle répartition des terres, la FMD obtient malheureusement moins de surfaces marécageuses que prévues.

Parallèlement, en 1994, en collaboration avec Cigogne Suisse, la FMD lance un projet de réintroduction de la Cigogne blanche en Ajoie. En 2023, avec une belle population et deux colonies ajoulotes, les résultats dépassent largement les espérances de départ.

En 1999, le remaniement parcellaire a mis en place de grandes surfaces. L’exploitation agricole s’intensifie. D’anciens grands pâturages proches des marais sont labourés. Le SAF a proposé une délimitation des zones-tampon inscrites au Plan d’aménagement local (PAL) qui n’est pas conforme à la loi. Elle ne repose pas sur des critères scientifiques mais s’arrête aux limites des propriétés FMD. Cette dernière engage une procédure judiciaire qui va durer des années. En 2000, l’Office de l’environnement ou ENV mandate un spécialiste des marais, Philippe Grosvernier, pour une expertise scientifique. En se basant sur cette étude, il faut attendre fin 2007 pour qu’un jugement du Tribunal administratif valide des zones-tampon suffisantes d’un point de vue écologique et conformes aux lois en vigueurs. Ces zones-tampon sont finalement mises en place en deux étapes, en 2010 et en 2018.

Au printemps 2001, la FMD dresse des barrages temporaires pour sauver les Amphibiens qui traversent en nombre la route cantonale Coeuve – Damphreux lors de la migration prénuptiale. Des milliers de Batraciens sont sauvés. L’opération est répétée par la FMD jusqu’en 2007. Puis, le canton, avec Édouard Roth du SIN, prend la relève, Finalement des crapauducs sont mis en place par le canton en 2020.

En 2007, la FMD peut acquérir les étangs de Damphreux. À cette époque, ils sont atterris et en mauvais état. Les Rats musqués ont miné les digues et des arbustes ont colonisé les rives. Les plans d’eau, réduits et cachés par les ligneux, sont devenus beaucoup moins attractifs pour les oiseaux et les amphibiens. Fin 2007, la FMD choisi le Bureau BIOTEC pour établir les plans d’une revitalisation globale des 6 étangs. Ici aussi les sponsors répondent présents. Avec une entreprise locale de génie civile, BASA et une autre spécialisée en génie biologique, Aménat, de coûteux et grands travaux de restaurations sont lancés. Ils sont réalisés en trois étapes, de 2007 à 2011. Des haies sont plantées. En automne et en hiver, les étangs successivement asséchés sont curés, les digues frontales sont renforcées, les digues latérales supprimées et de nouveaux systèmes de vidanges par batardeaux sont mis en place. Dès que l’infrastructure d’un étang est terminée, il est remis en eau pour le bonheur des Amphibiens et des Oiseaux qui colonisent de suite et en nombre le milieu restauré.

Avant la réfection des étangs, les promeneurs avaient pris l’habitude de marcher sur les rives et les digues pour faire le tour du site. Ces intrusions dérangeaient grandement l’avifaune. En 2012, la FMD met au point un Concept visiteur pour canaliser les promeneurs sur des sentiers masqués par des haies et conduisant à deux cabanes d’observations. Celles-ci sont judicieusement placées pour découvrir la faune qui fréquente plusieurs plans d’eau. Depuis ces sites privilégiés, de nombreux visiteurs observent et photographient sans déranger les oiseaux. Deux excursions annuelles sont organisées en lien avec Jurassica Museum. Le nombre de données sur www.ornitho.ch explose. En juin 2023, suite à un fort engagement de notre caissier Michel Juillard, un nouvel atout est mis à disposition des ornithologues : une tour d’observations de 9 m de haut permet d’avoir une magnifique vue d’ensemble sur les six étangs des Coeudres. Au milieu d’un axe nord – sud qui va du fossé rhénan au nord-est, à la vallée du Doubs au sud-ouest, Damphreux est situé sur un couloir de migrations des oiseaux, pré et post nuptial. Les étangs constituent un site d’escale important pour de nombreuses espèces qui s’arrêtent quelques temps pour reprendre des forces avant de continuer leur route migratoire. Au printemps et en automne, le dernier étage de la tour sera un endroit idéal pour observer le flux migratoire de l’avifaune.

Depuis 2010, la végétation palustre se développe très rapidement. Ce qui convient le mieux à la biodiversité (Libellules, Amphibiens, Oiseaux…) c’est un milieu ouvert avec des étangs dégagés et bien ensoleillés. L’entretien par la fauche avec de lourdes machines fonctionnant aux combustibles fossiles ne séduit pas le Conseil de la FMD. En 2012, la pâture extensive est choisie. Des barrières de pâturage à trois fils sont posées aux Coeudres. Joan Studer, qui possède des petits chevaux des Pyrénées ou Pottok et des vaches Highland, est choisi comme locataire. En automne, ces herbivores rustiques permettent de contenir la végétation envahissante des bords d’étangs.

Ces dernières années, dans le but de favoriser la biodiversité dans la vallée de la rivière Coeuvatte, la FMD a énormément investi : creusage de mares, remise à ciel ouvert d’un ruisseau, plantation de haies, mise en place de nichoirs à hirondelles, nichoirs à chauve-souris, nids artificiels pour la Souris des moissons, hôtels à insectes, dépôt de tas de cailloux et de branchages… Des radeaux flottants sont installés pour favoriser les oiseaux d’eau. Des îlots de cailloux et gravier, à fleur d’eau, sont mis en place sur l’étang aval.

Depuis 1999, le bas-marais d’importance nationale de Pratchie est devenu propriété de la FMD et du canton. Nous le visiterons cet après-midi. Des contrats ont été signés avec trois exploitants pour un entretien extensif de ces zones humides. Les règles établies respectent les directives de la politique agricole, pour ce type de surfaces. Les exploitants touchent des paiements directs de la Confédération. Toutefois, les problèmes restent importants car le marais manque d’eau propre. Avec le réchauffement climatique, les étés chauds et secs se succèdent. La végétation typique s’appauvrit. Jusqu’en 2018, au nord du bas-marais, un chemin dévie une partie des écoulements naturels d’eau vers l’ouest, hors de la zone humide protégée. Lors du dépôt public de la troisième étape des travaux du SAF, a FMD a engagé une longue et difficile procédure judiciaire pour s’opposer à la remise à neuf de ce chemin. Il est mal placé et problématique pour l’alimentation en eau du marais depuis le nord. Dans ce cadre, en 2016, une difficile négociation s’engage qui aboutit à un compromis. En 2018, un chemin « marais-compatible » est aménagé sur la partie nord de la zone-tampon. Des solutions innovantes et coûteuses sont imaginées et réalisées pour éviter l’effet barrage du nouveau chemin. Il s’agit de permettre le respect du flux hydrique naturel, du nord vers le sud, pour alimenter le bas-marais.

Hors zones protégées, les cultures intensives induisent des ruissellements riches en engrais et en produits phytosanitaires. L’érosion amène des sédiments terreux qui étouffent le bas-marais. En 2019 et 2020, un plan de gestion du bas-marais de Pratchie est établi par le bureau LIN’eco. Certaines mesures doivent être mises en œuvre pour assurer la survie du bas-marais. Une étude hydrogéologique du bureau MFR est lancée.

En mai 2021, lors d’une séance regroupant les exploitants, la FMD, l’ENV, le bureau MFR et LIN’eco, la mise en œuvre des mesures de gestion est lancée. Le processus va durer plusieurs année. Les conditions météorologiques très pluvieuses de 2021 perturbent un peu les fauches adaptées prévues. En 2022, les mesures débutent vraiment et de manière très concrète. Aujourd’hui, le processus de revitalisation se poursuit. Une petite visite sur le site de Pratchie est prévue cet après-midi.

Sur les communes de Coeuve, Lugnez et Bonfol, la FMD a pu acquérir d’autres étangs ou partie de bas-marais. Dans chaque cas des restaurations ou revitalisations ont été effectuées. Pour certaines espèces menacées, le succès est là. En Ajoie, la Rainette verte était au bord de l’extinction en l’an 2000. Aujourd’hui de belles populations peuplent chaque printemps les différentes propriétés de la FMD.

Après ce résumé de 30 ans de lutte, pour sauver de petits îlots humides riches en biodiversité, nous sommes heureux de constater que de nombreuses espèces profitent de ces havres de tranquillité. De nombreux visiteurs, de Suisse et d’ailleurs, vivent de magnifiques découvertes et expériences. Ils réalisent de belles observations dans un cadre idyllique.

Cela n’a pas été facile mais aujourd’hui la FMD est fière d’avoir pu préserver ces zones humides partout grandement menacées. La FMD se réjouit de pouvoir offrir à la flore, à la faune et aux visiteurs ces petits coins de paradis.

Tout ce travail n’aurait pas pu se réaliser sans le soutien financier de la Confédération, du la République et canton du Jura et ne nombreuses fondations, associations, sociétés et personnes privées qui ont contribué financièrement à nos projets. Nous tenons en ce jour anniversaire à les remercier du fond du cœur pour leur soutien et leur amitié.

 

Liste des participants au 30e anniversaire de la FMD, Damphreux , 1er juillet 2023

 

Invités officiels

Catherine Rebetez (Fondation Loisirs - Casino), Célien Montavon (Bureau CEMeco), Claude-Henri Schaller (Délégation jurassienne à la Loterie Romande), David Eray (Gouvernement jurassien), Édouard Roth (Service des Infrastructures), François Gerber (BIOTEC), Hans Däpp (Cigogne Suisse), Louis Roulet (Office de l’Environnement), Marie-Anne Etter (WWF Jura), Marie-Noël Lovis, Sabrina Joye et Sylvie Egger (Pro Natura - Jura), Michel Henry (Commune de Damphreux - Lugnez), Simon Lovis (SSNPP).

Membres du Conseil de la FMD

Laure Tettamanti, Marcel Challet, Marianne Spanoudakis, Michel Gigon, Michel Juillard, Michel Rebetez, Olivier Biber, Philippe Bassin, Rolf Kunz (Ornithologische Gesellschaft Zürich).

Personnes invitées

Anne Kunz, Annick Juillard et Amélie Martin, Claude Fankhauser, Lucienne Merguin Rossé, Marc Challet, Marlyse Bassin, Olivier Beyeler, Peter Spanoudakis, Philippe Charmillot, Rocco et Alessia Tettamanti, Thérèse et Jean-Pierre Egger.

Médias

Eugénie Bron (Canal Alpha), Josué Merçay (Le Quotidien jurassien).

 

Remerciements


La Fondation des Marais de Damphreux (FMD) remercie les institutions suivantes, qui l’ont aidée à financer la réalisation de la tour d’observation : 

Banque Raiffeisen Ajoie, Délégation jurassienne à la Loterie Romande, Fondation Ellis Elliot, Fondation Loisirs-Casino, Fondation Rita Roux, Fondation Vegeor, Fondation Werner Buser, Hilfsfond Schweizerische Vogelwarte Sempach, Nos Oiseaux, Société des Sciences Naturelles du Pays de Porrentruy (SSNPP) et WWF Jura. 

 

1er juillet 2023                                                Le président de la FMD : Philippe Bassin

 

Voir le reportage de Canalalpha

 

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